Contre la mafia rêve en couleurs


Antonio Viola, « Ne pas oublier Palerme », Beaux arts magazine, Paris le 2002.
« Palerme est à nous et pas à vous » dans la capitale sicilienne, les slogans lancés par les enfants sont à l’image de la terre qui les porte : farouches et fière car lourds d’enjeux.

« Contro la mafia sogna a colori« , »Palermo è nostra e non vosta » nella capitale siciliana gli slogans urlati dai bambini sono all’immagine della loro terra : indomita e fiera poiché ricca di problematiche complesse. Patrimoine, mémoire, identité, projet citoyen.
« Palerme ouvre ses portes. L’école adopte un monument ».

« Contre la mafia rêve en couleurs », »Palerme est à nous et pas à vous » dans la capitale sicilienne, les slogans lancés par les enfants sont à l’image de la terre qui les porte : farouches et fiers car lourds d’enjeux.
Dans une ville où le pouvoir de la mafia et ses ramifications politiques avaient rendu difficile la formation d’un sentiment commun de citoyenneté, où l’exploitation même de l’ignorance et de la méfiance réciproque était devenue monnaie courante, l’engagement à reconstruire le sentiment de propriété et de co-responsabilité des habitants à l’égard de leur territoire avait pris figure de pari nécessaire.
Construire la ville, reconstruire l’identité:c’est dans ce contexte – et fort de l’idée que l’école avait un rôle fondamental à jouer – qu’est né le projet éducatif « Palerme ouvre les portes, l’école adopte un monument ».

Lancée en 1995 par la Direction des Affaires Scolaires de la mairie de Palerme, l’initiative a mobilisé plus de 20.000 enfants de 150 écoles de la ville autour d’un principe simple : redécouvrir les monuments oubliés de Palerme ; ce qui signifiait les « dénicher », les investir, en prendre soin pour les extraire de la gangue de l’oubli, de la dégradation et de l’incurie. Entourés de leurs professeurs, aidés par l’administration communale et les partenaires économiques des différents quartiers de Palerme, des centaines d’écoles du centre de la ville et de sa périphérie se sont ainsi lancées dans l’aventure : certaines ont adopté une église, d’autres un jardin, d’autres encore une place.
Véritable aventure collective, le projet impliquait non seulement de se livrer à une étude approfondie de l’édifice mais aussi et plus largement à lui redonner vie : réouverture du lieu, activités de nettoyage et de restauration, présentation historique, création d’ateliers, confection de panneaux explicatifs et de parcours de découverte, organisation de visites pour les habitants et les touristes, l’entreprise supposait une participation active de chacun et surtout un investissement durable.
De cet engagement procédait sa valeur cardinale et éducative : en amenant chaque école à prendre soin d’un des symboles de la ville, l’enjeu était aussi de permettre à chaque enfant de se ré approprier un peu de son quartier et de son territoire.
De fait, il n’était pas rare d’entendre les écoliers s’exclamer lors de leurs promenades à travers les monuments réouverts sous leur initiative : »Ici, je me sens chez moi! ».
Signe qu’à travers la question du patrimoine, c’est bel et bien la question de la mémoire et de l’identité qui est mise en jeu : je me sens chez moi comme à la maison ; par conséquent, j’en suis responsable et j’ai des droits. Éducation à la légalité donc, désir de légitimité à travers la redécouverte des objets oubliés et la recherche d’un passé commun. Mais aussi désir de jeter les bases d’un projet citoyen ; de mettre à la portée des enfants l’univers de la gestion de la ville et de leur restituer leur dignité d’usagers dans la communauté des hommes.
Alessandra Siragusa,(1) responsable du projet , Adjointe du Maire aux Affaires Scolaires de la Mairie de Palerme, au moment du lancement de l’initiative, rappelle comment ce qui était au départ un grand rêve collectif a pu devenir réalité. A travers la mobilisation des enfants, c’est l’énergie d’une ville abandonnée à elle-même pendant des années qui a pu être à nouveau canalisée et restituée à ses habitants.
Sans compter les centaines de milliers de touristes qui ont pris l’habitude de se laisser entraîner chaque année au mois de mai dans la découverte des monuments inconnus et réhabilités. Au reste, il suffit de voir la fierté des enfants lorsqu’ils se transforment en guides pour saisir combien à travers eux vibre bel et bien une ville soucieuse de récupérer sa mémoire, de retrouver son identité et de se revendiquer nouvellement consciente d’elle-même.

NOTES:
1) L’ensemble du projet a été publié sur CD-Rom – « Palermo apre le porte, La scuola adotta un monumento »- édité par la ville de Palerme. La structure du CD Rom a été conçue comme une visite de la ville : itinéraires thématiques, jeux, quiz, etc.

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