AUTOMATA. Le savoir de l’Architecte

Revue AUTOMATA. Science et technique au I siècle. Ed. L’Erma di Bretschneider, 2008. 
AUTOMATA. Direction: A. Ciarallo
avec: PROF. M. AOYAGI, Università di Tokyo -PROF. P. GALLUZZI, Istituto e Museo di Storia della Scienza, Firenze -PROF. M. HENNEBERG, Università di Adelaide -PROF. J. RENN, Max Planck Institut, Berlin -PROF. D. STANLEY, Smithsonian Institution, Washington D.C.

Antonio Viola, VITRUVIUS. ARCHITECT’S KNOWLEDGE
This research studies the possible link between two cognitive environments: the organization of architectural knowledge and the encyclopedic model.
This large field of thinking rotates around the comparison between two specific cognitive forms: firstly, the organization of knowledge as employed by Vitruvius in De Architectura; secondly, the new encyclopedic model which was developed in a family of experiences founded by the Encyclopédie of Diderot and d’Alembert.

(Extrait de l’article)

Praticien ou théoricien, humaniste ou scientifique, artiste ou technicien, génial ou discipliné, spécialiste ou bien généraliste : Vitruve est encore l’incommode symbole de toutes les contradictions qui hantent le métier de l’architecte.
Cette difficulté à définir le champs disciplinaire de l’architecture se reflet inévitablement dans la traduction de l’oeuvre vitruvienne.
Est il nécessaire d’interroger encore le De Architectura ? Dans ce cas, que chercherons nous dans le De Architectura qui n’ai pas été dévoilé ? Comment le traduire ? Avec quel « traducteur » (1)?
Si les objets, contenus dans le traité de Vitruve, ont été amplement analysés et interprétés, ce n’était pas le cas pour la systématique employée. Cette organisation des connaissances est considérée par la critique comme fumeuse, lacunaire, inachevée, imprécise, inintéressante, et surtout marginale dans la réflexion sur l’oeuvre vitruvienne.
Le travail de traduction proposé est fondé sur le « possible lien » entre deux univers cognitifs : l’organisation des savoirs du De Architectura et certains modèles de systématisation des connaissances.
Pour mettre en oeuvre cette analogie, nous avons dû rendre comparables les deux objets, en amenant le De Architectura à la forme de modèle d’organisation de connaissances. Vitruve lui-même nous fournit la clef pour procéder de la sorte ; de fait, il construit son traité à partir de la définition de l’architecture en tant qu’encyclios disciplina.
La portée novatrice et originale du modèle cognitif vitruvien a fait entrer le mot encyclios, au cours de la Renaissance, dans la culture moderne, en véhiculant le concept moderne d’encyclopédie entendue comme dispositif d’invention et de recherche.
Le traité de Vitruve est à la fois un projet de systématisation des connaissances et une théorie d’architecture. Le traité de Vitruve est une encyclopédie.
De l’ensemble de l’oeuvre, nous ferons émerger, seule, le projet encyclopédique qui, pour Vitruve, définit sa théorie architecturale.
Il est difficile pour Vitruve, comme pour tous qui traitent de la théorie d’architecture, d’intégrer la non-homogénéité des savoirs et des méthodes impliquées dans le processus de construction ; d’utiliser un langage hybride – tantôt normatif, tantôt narratif, tantôt technique – de gérer un corpus en évolution jamais fini et une pratique de terrain, de donner forme à un savoir encyclopédique. H-W. Kruft, décrit le traité « comme une oeuvre unitaire, bien qu’on ne puisse oublier son caractère compilateur et ses imprécisions terminologiques »(2). Comment juger valable une théorie qui donne la possibilité au sujet (à l’architecte) et à son iudicium (son esprit critique) de modifier à tout moment la ratiocinatio, le corpus conceptuel même de son énoncé théorique ? (3)
Intégrer cette multiplicité de points de vue, jongler avec des langages différents, est interprété par Kruft comme une perte de cohérence théorique du traité : « On ne peut donc parler qu’avec une certaine réserve de l’organicisme systématique de la théorie architecturale de Vitruve »(4).
Le point de vue de l’archéologue n’est guère très différent.
Pierre Gros met lui aussi en évidence le dessin d’un « système » dans le De Architectura mais, comme Kruft, il témoigne de l’incapacité de Vitruve de s’y tenir tout au long du traité : « Vitruve, toujours à mi-chemin entre la simple compilation et la récolte de préceptes, n’arrive pas à établir un programme vraiment cohérent »(5).
Les deux auteurs, bien qu’à partir de points de vue différents, soulignent l’incapacité du « système » vitruvien d’élaborer une théorie cohérente et organique.(6)
Pour le traité de Vitruve il ne s’agit pas de faire référence à un système total et fermé dans lequel chaque connaissance trouve sa collocation.
La pluralité des connaissances, le caractère « non-fini » du savoir, la non-homogénéité des connaissances et des méthodes et la subjectivité du iudicium, relèvent plutôt d’une « systématique » que d’un « système ».
Au travers d’un travail historique et herméneutique, nous avons interprété les objets du De Architectura en tant que formes (catégorielles, syntactiques et sémantiques) de la connaissance ; nous avons décrit les modèles de leur transmission (disciplinaires, d’enseignement, encyclopédiques) de manière à formaliser un modèle de connaissance comparable à celui de l’Encyclopédie.
Attentifs à l’enseignement de D’Alembert, qui rappelle que : « Les systèmes servent plus à flatter l’imagination qu’à éclairer la raison » (7), nous nous attacherons plutôt à définir le projet des savoirs et des savoirs-faire du De Architectura en forme de SYSTEMATIQUE LOCALE.
Ceci nous permet d’établir le premier découpage thématique. Il s’agit de formaliser le modèle d’organisation des connaissances employé par Vitruve pour définir l’architecture en tant que :
1)FORME DE LA PENSEE ; 2)FORME ORGANISEE DE LA PENSEE ;
3)FORME TRANSMISSIBLE DE LA PENSEE

NOTES:
1)N.B. L’article, dans son ensemble, fait référence au livre : A. VIOLA, Vitruve. Le savoir de l’architecte, Co-Ed. Geuthner-M.A., Paris 2005.
2) Cfr. H.-W. KRUFT, Storia delle teorie architettoniche. Da Vitruvio al settecento. Bari 1999, pp 3-15. (Première édition 1988. Titre de l’édition originale : Geschichte der Architekturtheorie von der Antike bis zur gegenwart. C.H. Beck’sche Verlagsbuchhandlung (Oskar Beck), München 1985.)
3)Cfr. 6, 2.
4)Cfr. H.-W. KRUFT, Storia delle teorie architettoniche… cit. pp 3-15.
5)Cfr. P. GROS, Vitruvio De Architectura, Turin 1997, pp. IX-XCV.
6)Chez ces auteurs, cette analyse dérive selon nous de la superposition du concept de « système » et de celui de « systématisation ».
7)Cfr. I. PRIGOGINE et I. STENGERS, « Sistema », Vol. XII, Enciclopedia Einaudi, Turin 1977, pp. 993-1023.

 

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